Je viens de terminer la lecture du livre « Fragile » de la grande comédienne et humoriste, Muriel Robin.
J’avais été surprise par son dernier spectacle, tellement authentique et où tout d’un coup le masque tombait. Elle était transformée, dans tous les sens du terme. Et dans ce livre j’ai pu reconstruire le puzzle. Evidemment cette lecture est personnelle, et ne peut prétendre être une vérité, n’ayant pas eu d’échanges avec Muriel Robin.
C’est donc ma lecture de sa personnalité que je vous soumets.
Dès les premières pages, Muriel raconte ses verrues autour de la bouche et sur les mains apparues à l’âge de 5 ans – « tu ne m’embrasses pas » « tu vas au fond de la classe »- lui ordonne son institutrice de l’époque. La seule préoccupation qui accapare Muriel est d’exister auprès de ses parents bourreaux de travail. Le travail était au centre de tout. Le travail passait avant les enfants.
L’enfant sait qu’il est aimé lorsque ses parents lui portent de l’intérêt et de l’importance. Muriel suscitait de l’intérêt et de l’importance vis-à-vis de son public mais elle voulait susciter l’intérêt et l’importance de sa mère. Sa mère qui lui jeta un jour : « Vas-y, va faire ton intéressante ». Tout le public reconnaissait Muriel Robin mais la reconnaissance de sa mère n’était pas au rendez-vous et cela rien ne peut le remplacer, ce qui mettait Muriel dans une colère et une tristesse profonde. Tout ce chemin semé d’embûches pour espérer être la fierté de sa maman.
« A 8 ans, j’aurais aimé au minimum une poignée de main de mes parents. »
Son père, Antoine, ne la reconnaissant que sous l’enveloppe d’un « garçon ». Là, encore, Muriel n’est pas reconnue dans son identité féminine.
Avec Antoine, qu’elle n’appelle pas « Papa », elle apprend à faire tout ce qu’un homme sait faire et notamment : bricoler.
Plus tard, la fonction masculine n’aura pas d’utilité dans une relation amoureuse, car Muriel l’a déjà ancrée en elle.
Dans le sketch de l’addition, Muriel Robin met en avant le côté sympa et joyeux d’un dîner entre amis qui visiblement se termine tard, ce qui sous-entend que cette bande de copains s’aiment beaucoup.
Et puis, il y a un problème dans la relation – au moment où Muriel propose aux copains de diviser l’addition en nombre d’invités – et là, d’un seul coup, Muriel Robin n’apprécie plus personnes, la relation change.
Muriel Robin retranscrit ici le fait qu’elle se sente rejetée par ses invités, comme si l’erreur commise en demandant à partager les frais par le nombre d’invités, était un rejet de son amour sans conditions vis- à- vis de ses invités. Elle se sent donc remise en question dans sa perfection de l’amour et met en exergue les différences des invités en lien avec elle : « Alors, Françoise, entrée ?… Camembert ??? Tu suis, c’est un bonheur !!…[elle hurle] EN-TREE ??…Pleure pas ! Et allez, elle chiale, elle aussi, et allez !… Mais pleure pas… ARRÊTE, JE T’AGRESSE PAS, J’VEUX SAVOIR C’QUE T’AS BOUFFÉ !!! … Mais qu’est-ce qu’elle a à chialer, elle est moche en plus, c’est pénible ! – Oh, qu’est-ce tu veux, toi, QU’EST-CE TU VEUX TOI, AVEC TON CHIGNON… TU VAS ARRÊTER AVEC TES BARRETTES ET TOUT TON BAZAR ?? HEIN, LA PROCHAINE FOIS, TON CHIGNON, TU LE PRENDS EN KIT, TU L’DÉMONTES ET TU L’FOUS PAR TERRE !! »
On sent bien la bascule de l’humeur dans le sketch. C’est toute l’histoire de la vie de Muriel Robin.
Une mère coupée entre la relation de sécurité avec Antoine, et l’amour impossible avec le père biologique de Muriel Robin. Le seul amour idéalisé qui aurait permis à Aimée de vivre son prénom pleinement, et à Muriel d’être à sa place.
C’est la mère qui construit l’enfant dans la gestion de ses humeurs. L’enfant apprend l’amour en fonction des humeurs de sa mère. Si l’enfant n’a pas appris à gérer les humeurs de sa mère, il peut se sentir rejeté et /ou mal-aimé quand sa mère est furieuse par exemple.
Et dans ce sketch, Muriel étant la « maman » de ses copains, dès que les copains ne répondent pas correctement à ses attentes d’amour inconditionnel, Muriel vrille.
C’est toute la stratégie inconsciente de la personnalité de Muriel apprise par ses parents : Aimée et Antoine.
Sa mère Aimée, a coupé son sentiment amoureux vis-à-vis d’Antoine quand elle a pris la décision de se séparer de son amant (le père biologique de Muriel). Ainsi, elle a préféré choisir la sécurité d’un foyer plutôt que de vivre un amour moins certain. Je pourrais même penser que cette décision, par moment, créera chez elle cette « méchanceté gratuite » vis-à-vis de Muriel comme si Aimée n’assumait pas totalement sa prise de décision et sa souffrance devait sortir peu importe comment. Ainsi, elle ne supporte pas l’idée que Muriel puisse avoir la joie, de vivre l’amour, sans indécence. Elle fera même promettre à Muriel de ne jamais se marier.
La seule issue possible pour Muriel est donc de choisir d’aimer une femme, pour lui assurer la simplicité de l’amour et lui permettre de se réconcilier avec sa féminité.
La vie qui lui a été donné par Aimée est innée.
L’attachement maternel, est un lien qui se noue entre la maman et son bébé à la naissance, notamment par le peau à peau et qui s’inscrit jusque l’âge de 3 ans.
De 3 à 6 ans, l’enfant entre dans la parole, il construit son langage émotionnel et attend de ses parents une protection. (souvenez-vous des verrues autour de la bouche et des mains : lieux de baisers d’amour maternant et maternant et les mains du lien et de la protection).
Enfin l’amour inconditionnel, qui s’apprend en vivant avec ses parents, construit le langage relationnel, l’aptitude d’aimé et d’être aimé.
Etre aimé, c’est avoir de la valeur. Lorsqu’un enfant a eu la certitude d’avoir été aimé de façon inconditionnel par ses parents, il possède alors une force morale indestructible.
Tout au long du livre, Muriel Robin ne le nomme pas ainsi, mais elle décrit ses moments où l’amour avec sa mère était soumis a des conditions. Ce qui induit chez Muriel le ressenti que sa mère ne l’aime pas, pire encore, que Muriel n’est pas assez bien pour mériter cet amour et peut aller jusqu’à rechercher la mère idéale. Elle trouvera, cette mère idéale, auprès de l’actrice Line Renaud qui, paradoxalement, n’a jamais eu d’enfants.
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